
Manon CHATEL, Docteure CERGAM (2024) est intervenue dans l'émission "Entendez-vous l'éco" du 13 mai qui portait sur Lieux de tournage : l'envers économique du décor. Ci-dessous la présentation et le lien pour l'écouter :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/entendez-vous-l-eco-emission-du-mardi-13-mai-2025-9832065
En 2022, le nombre de jours de tournage sur le sol français atteignait 5 055 jours, en hausse de 22,2 % par rapport à l'année précédente. Des studios aux espaces naturels, les tournages se font aussi le lieu de dynamiques économiques : comment les territoires plantent-ils le décor ?
- Gwenaële Rot, professeure des universités à Sciences Po Paris, membre du Centre de sociologie des organisations (CNRS), autrice de Planter le décor. Une sociologie des tournages, Paris, Presses de Sciences Po, 2019
- Manon Châtel, chercheuse associée au laboratoire CERGAM (Centre d'Etudes et de Recherche en Gestion d'Aix-Marseille) d'Aix-Marseille Université
Alors que Donald Trump annonçait début mai vouloir taxer à 100% les films produits à l’étranger et que se pose une fois encore, à l’aube du 78ème festival de Cannes, la question de l’exception culturelle française, on peut s’interroger sur les dynamiques économiques qui entourent la production des films et plus particulièrement les lieux de tournage.
En 2023, le nombre de jours de tournage sur le sol français atteignait 5 055 jours, en hausse de 22,2% par rapport à l’année précédente. Ce chiffre, qui ravit le secteur, traduit une dynamique plus large de regain d’intérêt des français pour le septième art, qui avait connu un coup d’arrêt dans l’immédiat de la pandémie. Paradoxalement, le développement des plateformes de streaming est aussi à l’origine d’un renouveau du secteur, puisqu’il a favorisé le développement des séries et stimulé le nombre de tournages à l’échelle planétaire. Plus spécifiquement, le développement des séries est à l’origine d’un renouveau de la tradition française des studios de production, qui bénéficient d’un fort soutien de la part des pouvoirs publics.
Si le secteur cinématographique connaît un tel essor, c’est donc non seulement parce que la demande croît, mais aussi parce que le soutien de l’Etat et des collectivités locales aux productions de longs-métrages, courts-métrages, documentaires et séries s’intensifie. Par le biais du CNC, les régions et les municipalités investissent de plus en plus dans les commissions du film, chargées d’accueillir et d’accompagner les productions cinématographiques.
Et si la politique publique s’oriente dans cette direction, c’est parce que l’on tend à identifier de plus en plus le potentiel de dynamisme des lieux de tournage. La production d’un film ou d’une série est en effet bénéfique à l’économie locale, puisqu’elle sollicite la main d’oeuvre sur place ; mais les effets vertueux de la production cinématographique s’observent véritablement à long terme, notamment en matière de tourisme.
Les collectivités locales et régionales tendent ainsi à mettre en place de plus en plus d’aides, directes ou indirectes, par le biais de soutiens financiers ou de déductions fiscales. Cette surenchère fiscale débouche toutefois sur une concurrence accrue entre les communes, les régions et les pays - c’est d’ailleurs ce que dénonce Donald Trump lorsqu’il pourfend le dumping des pays étrangers face à Hollywood. On comprend donc bien que le marché du lieu de tournage se place au cœur du sujet de la compétitivité intra et internationale : c’est d’ailleurs pour cette raison que le plan d’investissement France 2030, dévoilé par le président Emmanuel Macron en 2021 et comprenant 54 milliards d’euros d’investissement, comprend un volet cinéma, preuve que le secteur occupe désormais une place clé dans la politique publique culturelle.
Références sonores et musicales
- Interview du réalisateur Guillaume Brac sur France Culture, 21 mai 2025 / Extrait d'un reportage de France 3 Provence, 9 mai 2023 / Archive Ina sur le tournage du film Le jour le plus long, 7 juillet 1961 / Interview de Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme sur France Inter, 30 avril 2024 / Tapis sonore : Mathieu Lamboley « Arsène », générique de la première partie de la série Netflix Lupin
- Interview de Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme sur France Inter, 30 avril 2024
- Interview de Guillaume de Menthon, directeur des studios de Bry-sur-Marne sur CNews, 17 avril 2025
- Extrait du film documentaire Le Repéreur réalisé par Jean-Baptiste Durand en 2016
- Extrait du film La vérité réalisé par Hirokazu Kore-eda et sorti en 2019
- Musique : Michel Legrand, "La chanson des jumelles", extrait du film Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, 1967 / Extrait d'un reportage Ici La Rochelle, 7 mars 2017
Pour aller plus loin
- Gwenaële Rot : Planter le décor. Une sociologie des tournages, Presses de Sciences Po, 2019
- Manon Châtel : L’attractivité touristique par les productions cinématographiques, vers une nouvelle préoccupation des managers territoriaux. Le cas du ciné-tourisme | Cairn.info, Management & Avenir, 2025 / Thèse de doctorat soutenue en décembre 2024 : “Entre écrans et territoires : Stratégies et pratiques des commissions du film dans la dynamique de l’attractivité cinématographique. Une comparaison France-Québec"
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/entendez-vous-l-eco-emission-du-mardi-13-mai-2025-9832065